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👁️ Friedensreich Hundertwasser, artiste hors-normes et hors-courants

  • Photo du rédacteur: Marie-Océane Decriem
    Marie-Océane Decriem
  • 13 mars 2021
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 2 avr. 2021

Friedrich Stowasser (1928-2000) était un artiste amoureux de la nature, des couleurs vives, de l’écologie et du voyage. Il a mené une vie libre et vagabonde entre l’Autriche, son pays natal, l’Allemagne, l’Italie, la France, le Japon et la Nouvelle-Zélande, porté par les courants, avant de mourir en mer. Nul pseudonyme n’aurait pu mieux lui correspondre que celui qu’il s’était choisi en 1949 : Friedensreich Hundertwasser, « L’empire de la paix aux 100 eaux ».

© Friedensreich Hundertwasser

Victimes de la Shoah perpétrée par le régime nazi du IIIème Reich, 69 membres de sa famille maternelle trouvent la mort dans les camps d’extermination. Cette même année 1943, Friedensreich Hundertwasser réalise ses premiers dessins. Orphelin de père, son enfance est marquée par la rêverie et la taciturnité. En 1949, il rencontre l’artiste français René Brô qui lui ouvre « la porte de la beauté » et fait éclore son talent et ses envies.


Le peintre-roi aux cinq peaux


Hundertwasser va se créer un univers, une manière de penser l’art mais aussi la société en accord avec la Terre, mère et première, qui s’assimile à une véritable philosophie. Il conçoit l’être humain comme enrobé de cinq peaux superposées qui entretiennent des relations d’interdépendance dans un profond respect. Son œuvre n’aura de cesse de s’attaquer à la société moderne et à la manière dont la supranationalité et la mondialisation travaillent à l’érosion de ces peaux.


© Dessin à l'encre, 1998

La première peau est constituée par l’épiderme, identité première de l’homme. Le 12 décembre 1967, à la Galerie Hartman de Munich, il prononce entièrement dévêtu le Discours dans le Nu pour le droit à la troisième peau.


La seconde peau est constituée des vêtements. Hundertwasser coud ses vêtements lui-même et confectionne ses chaussettes et ses chaussures avec les matériaux dont il dispose. Un accoutrement qui participe de sa personnalité et de sa singularité en tant qu’artiste inclassable. Il met au centre de ses créations la totale réversibilité du vêtement pour lutter contre l’uniformité, la symétrie dans la confection et la tyrannie imposées par la mode.


© Chaussures d'été et d'hiver, Paris, 1950

La troisième peau, sur laquelle repose la seconde partie de l’œuvre d’Hundertwasser à partir des années 1980, est la maison de l’homme. Philosophe et médecin de l’architecture, il conçoit comme son devoir de rétablir l’harmonie entre la nature et les rêves de l’Homme. Hundertwasser devient un architecte qui aborde les problèmes en tant que peintre, sa pensée opérationnelle s’articulant en métaphores picturales. Son art de peindre est avant tout un art de vivre. Ses choix architecturaux sont singuliers : alignement irrégulier des fenêtres, intégration des arbres, couleur, lignes ondulantes, clochers, colonnades qui lui permettent de constituer un « village à la verticale ». Il réhabilite des façades, réaménage, rénove des espaces intérieurs ou construit de rien des « espaces heureux et aimés » où la qualité de vie préside de manière suprême à tout choix.


La quatrième peau s’articule autour de l’environnement social et de l’identité. En 1968, Hundertwasser achète le Regentag (« Jour de pluie », en français), un bateau qui lui donne envie de naviguer sur les eaux du monde entre ses différentes demeures et jusqu’en Nouvelle-Zélande, qui devient sa seconde patrie. Cette ouverture au voyage lui fait prendre conscience de la famille, naturelle ou acquise par les liens sélectifs, et de l’ensemble des groupes associatifs qui gèrent la vie d’une collectivité. L’expression ultime de la quatrième peau est pour lui la nation. Il se lance dans la création au service d’une société esthético-naturiste pacifiée. Il commence par créer des timbres-poste pour l’Autriche (1975), puis pour le Sénégal à la demande de Léopold Sedar Senghor (1979), pour le Liechtenstein (1991) ou les Nations-Unies (1995). Il s’illustre également dans la création de pièces de monnaie, de montres, de jetons de casino, de cartes téléphoniques et de drapeaux de la tolérance. À ses yeux, le drapeau représente la seconde peau de la nation. Il réalise un drapeau pour la paix au Moyen-Orient (1978), le drapeau Koru pour la coexistence des populations britannique et maorie en Nouvelle-Zélande (1983) et le drapeau Uluru pour l’Australie et sa population aborigène (1986). Il mène une lutte farouche au projet du gouvernement autrichien d’adopter de nouvelles plaques d’immatriculation à l’allemande, sans succès.

© Drapeau Koru

La cinquième peau, enfin, représente l’environnement global, l’écologie et l’humanité. En 1975, il développe les toilettes d’humus comme pièce maîtresse de ses projets architecturaux. Un retour à l’organique consacré par le Manifeste de la Sainte-Merde en 1979 (all : Scheisskultur - Die Heilige Scheisse). Au cœur de l’œuvre d’Hundertwasser la nature, conjuguée à la beauté, consacre le bonheur. Il conçoit en 1982 un système de purification de l’eau par les plantes aquatiques. Pour Hundertwasser, la nature est la réalité suprême qu’il faut protéger par une résistance non-violente. Planter des arbres devient son acte écologique favori : il plante plus de 60 000 arbres tout au long de sa vie. Il mène des campagnes d’opinion spontanées en faveur de la protection de l’environnement ou contre le nucléaire selon un mode opérationnel strict : un geste symbolique, une série de discours flamboyants, une création graphique. La paix et l’activité écologique militante sont au cœur de la cinquième peau d’Hundertwasser.


« Nous vivons apparemment dans un bonheur matériel, mais concrètement dans un malheur spirituel. Pour être heureux, l’homme n’a pas besoin de richesses extérieures, mais des richesses intérieures de l’âme. Pour être heureux, l’homme n’a pas besoin d’énergie mécanique, mais de son énergie créatrice interne. »


La culture contre l’énergie nucléaire, 1980

(all : Kultur gegen Kernkraft)


Influences et commandements de l’œuvre multi-supports d’Hundertwasser


En 1958, il écrit le Manifeste de la moisissure contre le rationalisme en architecture (all : Verschimmelungsmanifest gegen den rationalismus in der architektur) qui consacre son aversion pour l’architecture rationaliste et fonctionnaliste et affirme le pouvoir créateur de l’Homme dans la construction. Le constructeur doit être à la fois architecte, maçon et habitant. Une position qu’il renforce lors du « Discours dans le nu » munichois et par son manifeste Los von Loos (« Loin de Loos », Loos étant un architecte défenseur de la rationalité totale en architecture et de la suppression des ornements).


Influencée par Paul Klee et Gustav Klimt, l’œuvre d’Hundertwasser suit quelques commandements clairs auxquels il ne déroge jamais : le refus de la ligne droite, l’usage de couleurs vives, l’installation d’arbres-locataires, la végétalisation des toits, la multitude de terrasses, de fenêtres-yeux, de colonnes ou encore la mise en place de sols inégaux. Le concept de la « vitalité » nietzschéen est au cœur de son œuvre. Ce besoin d’aller au bout de ce que l’Homme peut faire pour métamorphoser l’être vivant se traduit également par l’utilisation de la spirale, à la suite des travaux d’Egon Schiele et dans une inspiration mythologique.

© La Ligne de Hambourg, École des Beaux-Arts Lerchenfeld, Hambourg, 1959

Pour Hundertwasser, la ligne droite conduit à la perte car elle est « athée, immorale et impie ». En octobre 1959, alors qu’il est nommé professeur associé à l’école des Beaux-Arts de Hambourg, il demande à ses élèves de réaliser pendant deux jours et deux nuits la peinture d’une ligne sans fin, au crayon, à l’encre ou à l’huile sur les murs, la porte et les fenêtres de sa salle de classe. Ce premier happening lui vaut un renvoi mais aiguise son appétit des actions coup-de-poing. En 1960, il lance l’Action Orties : préparer une bouillie d’orties dans une lessiveuse pour montrer qu’il est possible de se nourrir de peu grâce à la bonté de la Nature. Malheureusement, la lessiveuse n’est pas correctement nettoyée et il se brûle en grande partie l’estomac.


« L’arbre locataire est un donneur. C’est une part de la nature, une part de la terre-mère, une part de végétation spontanée dans le désert de la ville anonyme et stérile, une part de nature qui peut se développer sans le contrôle rationnel de l’homme et de sa technologie. »

Les arbres-locataires sont les ambassadeurs de la forêt libre dans la ville, 1980-81-96

(all : Baummieter sind Botschafter des freien Waldes in der Stadt)


En 1972, il rédige son manifeste Ton droit à la fenêtre – ton devoir d’arbre (all : Dein Fensterrecht, deine Baumpflicht) qui plaide en faveur de la végétalisation des habitats et de l’aménagement individuel des façades, droit qu’il considère inhérent à l’humanité. Il participe à un jeu télévisé, Wünsch Dir was (« Fais un vœu »), durant lequelle il se livre à une performance hors-normes : il doit modifier en une seule journée les façades de trois habitations à Vienne (Autriche), Bülach (Suisse) et Essen (Allemagne) tandis que leurs habitant·e·s sont enfermé·e·s dans une pièce sans accès aux informations.


« C’est ton droit de façonner à ton goût, aussi loin que ton bras puisse parvenir, ta fenêtre ou ta façade extérieure. »


© Maison de l'art - Abensberg (Allemagne)

Friedensreich Hundertwasser a construit de son vivant plus de 50 projets architecturaux, peint plus de 700 tableaux et réalisé plus d’une centaine d’œuvres graphiques dont des lithographies japonaises. Son premier projet architectural, le logement social Hundertwasser-Haus à Vienne, est aujourd’hui la plus emblématique de ses constructions. Quelques exemples peuvent ici rendre compte de la très riche diversité de ses projets : l’Église Sainte-Barbara à Bärnbach, un restoroute à Bad Fischau, un village thermal et une centrale thermique (Autriche), des WC publics à Kawakawa (Nouvelle-Zélande), une aire de jeux pour enfants à Osaka (Japon) ou encore la tour d’une brasserie bavaroise à Abensberg (Allemagne).


© Tour de la brasserie Kuchlbauer - Abensberg (Allemagne)

Son existence a été marquée par un très grand rejet de la politique partisane, du parti écologiste autrichien, de l’Union Européenne et par une forte conception de l’identité autrichienne. Anticonformiste, artiste mais aussi architecte et militant écologique, Hundertwasser a travaillé à la destruction des codes d’une société sclérosée courant à sa perte et à l’avènement d’une alternative où la Nature serait au centre des préoccupations humaines. C’était un homme pour qui le compromis était inacceptable et pour lequel la vérité résidait uniquement dans l’art. Son œuvre artistique, architecturale ou littéraire est riche d’enseignements : « L’harmonie naturelle se réalise dans la diversité et non dans l’uniformité ».






« Tout est ici pour être heureux sur Terre. Nous avons la neige et chaque jour un nouveau matin. Nous avons les arbres et la pluie, l’espoir et les larmes. Nous avons l’humus et l’oxygène, les animaux et toutes les couleurs. Nous avons les terres lointaines et les bicyclettes. Nous avons le soleil et l’ombre. Nous sommes riches. »


Le faux art, 1981

(all : Die falsche Kunst)


Quelques liens Internet pour en découvrir davantage sur Hundertwasser


Sources

Collectif, Hundertwasser : architecture, Taschen, 2011.

Collectif, Hundertwasser Architektur & Philosophie, Wörner Verlag GmbH, 2015.

RESTANY Pierre, Hundertwasser : le peintre-roi aux cinq peaux, Taschen, 2018.




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