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« Le Pouvoir » de Naomi Alderman (2016)

  • Photo du rédacteur: Marie-Océane Decriem
    Marie-Océane Decriem
  • 21 août 2021
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 19 sept. 2021

Imagineriez-vous un monde dans lequel les femmes, fortes, insensibles, agressives et violentes, auraient pris le pouvoir pour protéger leurs bébés ? C’est le pari de Naomi Alderman dans son roman dystopique Le Pouvoir. Ce roman de science-fiction a été traduit en français en 2018, après avoir remporté l’un des plus prestigieux prix littéraires au Royaume-Uni en 2017, le Baileys Women’s Prize for Fiction.



ⓒ Photo personnelle

Les femmes possèdent génétiquement une arme redoutable : un courant électrostatique qu’elles peuvent déclencher par une pression de la paume ou des doigts de leurs mains.


Mais d’où vient-il ? Pendant la Seconde Guerre mondiale, des chercheurs britanniques ont mis au point un fortifiant nerveux, appelé Ange Gardien, destiné à combattre les effets des attaques au gaz. Oublié après-guerre, ce fortifiant s’est disséminé dans les eaux du monde et concentré dans les organismes humains jusqu’à un niveau tel qu’il est responsable du développement du courant électrostatique chez les jeunes femmes – ce courant se matérialise par la présence d’un fuseau le long de la clavicule.


De quelques adolescentes, ce pouvoir se répand comme une traînée de poudre de la main d’une fille à celles de femmes d’âge mur. Et ces femmes prennent peu à peu le pouvoir sur les hommes. Des écoles non-mixtes, destinées à préserver les jeunes garçons des douleurs électriques infligées par les jeunes filles, ouvrent. Alors que de nombreuses révolutions féminines éclatent à travers le monde, les femmes se vengent avec brutalité et avidité des sévices qu’elles ont subi pendant des décennies de la part des hommes ; les esclaves sexuelles d’hier tuent leurs bourreaux et s’affranchissent. Les agressions sexuelles les plus brutales ainsi que les mutilations génitales concernent désormais exclusivement des hommes, alors que des armées de femmes formées dans les camps étatsuniens NorthStar prennent le contrôle de la Planète et qu’un culte d’un Dieu femme se met en place. Une drogue, le Glitter, vient décupler la force et la puissance du courant électrique tandis qu’un groupuscule masculiniste actif sur les réseaux sociaux, Urbandox, mène des actions terroristes meurtrières pour rétablir son autorité.

« Dieu nous aime toutes, reprend-elle, et Elle veut que nous sachions qu’Elle a simplement changé Son habit. Elle est au-delà de la distinction entre femmes et hommes, au-delà de ce que l’esprit humain peut appréhender. Mais Elle attire votre attention sur ceci, que vous avez oublié : juives, tournez vos regards vers Myriam, non vers Moïse, pour ce qu’elle a à vous apprendre. Musulmanes : regardez Fatima, et non Mahomet. Bouddhistes : souvenez-vous de Tara, mère de la libération. Chrétiennes : priez Marie pour votre salut.


On vous a enseigné que vous étiez souillées, que vous n’étiez pas saintes, que votre corps était impur et ne pourrait jamais abriter le divin. On vous a enseigné à mépriser tout ce que vous êtes et à n’aspirer qu’à être un homme. Or, on vous a enseigné des mensonges. Dieu est en vous, Dieu est revenue sur Terre pour vous l’enseigner, sous la forme de ce nouveau pouvoir. »


(p.184 et 185)


L’histoire se présente sous la forme d’un roman historique découpé en 8 parties, écrit par Neil Adam Armon de l’Association des hommes écrivains, cherchant à retracer l’origine de la domination féminine sur le monde. C’est un récit chronologique qui débute à la prise de conscience du pouvoir des jeunes adolescentes par le biais de vidéos sensationnelles postées sur les médias sociaux et se termine sur le Cataclysme, qui prend place dans l’état féminin de Bessapara, sécessionniste de la Moldavie sous la houlette de la dictatrice Tatiana Moskalev. On retrouve au fil des pages des archives déclassifiées, des fragments d’objets, des croquis, des dessins, les résultats de pseudo-fouilles archéologiques venant matérialiser le monde dans lequel prend place l’histoire.


Nous suivons principalement le récit par la voix de 4 personnages, dont les chemins vont se croiser de multiples fois. Roxanne Monke est la fille illégitime d’un chef de gang anglais, dotée d’un pouvoir parmi les plus grands de sa génération. Olatunde Edo est un journaliste nigérian qui documente la prise de pouvoir par les femmes pour le compte de grands groupes médiatiques occidentaux, au péril de sa vie. Margot Cleary est la maire d’une petite ville des États-Unis, une femme aux ambitions politiques nationales dont la fille aînée, Jocelyn, ne parvient pas à maîtriser son pouvoir. Enfin, et c’est peut-être le personnage le plus fascinant de ce roman, Alison Montgomery-Taylor, adolescente américaine violée par son père adoptif, se transforme en « Mère Ève », prophète d’un nouveau culte où Dieu est une femme.


« […] – je suis certaine que des milliers d’hommes, au fil des générations, ont connu des mésaventures similaires. Des attributions fallacieuses, des écrits anonymes abusivement attribués à des femmes, des hommes qui ont assisté leur épouse, leurs sœurs ou leur mère dans leurs travaux, sans jamais être crédités, mais aussi, il faut le reconnaître, des vols purs et simples. […] L’adaptation a fait des hommes des gardiens du foyer bosseurs pendant que les femmes – parce qu’elles ont des bébés à protéger – ont dû devenir agressives et violentes. Les rares sociétés partiellement patriarcales qui ont jamais existé se sont avérées très paisibles. »


(p.497 et 498)


Sans aucune complaisance, ce roman interroge la notion de pouvoir et ses abus. Qu’il soit politique, militaire, religieux, intrafamilial, légal ou illégal, le pouvoir est le personnage central de cette histoire. Le·a lecteur·rice prend conscience des comportements humains face à la violence des rapports de domination, qui ont persisté en se transformant malgré la fin du patriarcat. Inverser les rôles genrés permet d’illustrer avec la distance nécessaire l’absurde du rapport de domination actuel qu’ont les hommes sur les femmes. L’injustice, la douleur, la peur ressenties par les hommes tout au long des pages de ce livre nous renvoie avec d’autant plus de cruauté à celles ressenties tous les jours par les femmes. Parfaitement maîtrisées, les pages de ce roman se tournent l’une après l’autre avec une rapidité déconcertante (et ce malgré le changement permanent de narrateur qui complexifie parfois les lectures !) et nous font retenir notre souffle à plusieurs reprises. Naomi Alderman sait jouer de ses personnages et de leur subtilité pour que le final ne tienne plus qu’à un dernier verre ; et qui sait, à une poignée de main ?


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