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đŸ‘ïž Olivier Bourdeaut, dĂ©guingandĂ©, dĂ©penaillĂ© ou dĂ©membrĂ© ?

  • Photo du rĂ©dacteur: Marie-OcĂ©ane Decriem
    Marie-Océane Decriem
  • 1 mai 2021
  • 5 min de lecture

© Photo personnelle

Olivier Bourdeaut est nĂ© Ă  Nantes, au dĂ©but du mois de juillet 1980. Il Ă©choue au brevet des collĂšges, avant de s’orienter dans le secteur immobilier puis d’exercer une sĂ©rie de brefs emplois Ă©clectiques (responsable d’une agence d’expert·e·s en plomb, de chasseur·se·s de termites, ouvreur de robinets dans un hĂŽpital, factotum* dans une maison d’édition de livres scolaires et cueilleur de sel). En 2012, il trouve sa voie et se lance dans l’écriture qui le fascine depuis son enfance bercĂ©e par la littĂ©rature. Cependant, son premier manuscrit, sombre et dĂ©faitiste, ne trouve aucun Ă©diteur. Il lui faut se lancer dans l’écriture d’un second manuscrit, rĂ©alisĂ© en Espagne en sept semaines, pour faire naĂźtre la folle histoire d’En attendant Bojangles. Un roman qui rencontre un succĂšs immĂ©diat, tranchant avec les innombrables refus et Ă©checs essuyĂ©s par le jeune homme de 35 ans bien vite rebaptisĂ© par la presse « le looser magnifique ».


« Ceci est mon histoire vraie, avec des mensonges Ă  l’endroit, Ă  l’envers, parce que la vie c’est souvent comme ça. »

(En attendant Bojangles, p.6)


Ses trois premiers romans ont Ă©tĂ© publiĂ©s aux Éditions Finitude, une petite maison d’édition girondine situĂ©e au Bouscat qui a Ă©tĂ© la premiĂšre Ă  dĂ©nicher son talent.


Le premier, En attendant Bojangles (janvier 2016), a reçu de nombreuses distinctions littĂ©raires (prix du roman France TĂ©lĂ©visions, grand prix RTL Lire, prix du roman des Ă©tudiants France Culture TĂ©lĂ©rama, etc.) et a rencontrĂ© un grand succĂšs auprĂšs du public, y compris Ă  l’international.

À travers les yeux de leur fils unique, ce roman raconte l’histoire d’amour entre un homme Ă©crivain et sa femme dĂ©raisonnĂ©e, qui danse sans pouvoir atteindre la satiĂ©tĂ© sur le titre Mr. Bojangles de Nina Simone (1971). Cette femme fantasque aux allures fantomatiques et surrĂ©alistes change de nom tous les jours. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, elle ne parvient pas Ă  atteindre une quelconque satiĂ©tĂ© et comble ce vide innommable en virevoltant sur la piste de danse, sur le jeu de dames carrelĂ© sur le sol de son habitation, dans sa vie, d’une occupation Ă  l’autre, d’un lieu Ă  l’autre, d’une existence Ă  l’autre. Leur appartement aux allures de palais oĂč s’entassent des courriers jamais dĂ©cachetĂ©s accueille Mademoiselle SuperfĂ©tatoire, une grue demoiselle de Numidie ramenĂ©e d’un voyage en Afrique et un cinquiĂšme comparse, le sĂ©nateur L’Ordure. L’histoire de cette vie que les deux hommes tentent de combler d’amour se love dans la tendresse, confinant parfois Ă  la naĂŻvetĂ©, et brouille tous nos repĂšres. Ce sont les images peintes par Olivier Bourdeaut plus que les mots qui restent en tĂȘte : l’homme n’est pas moins poĂšte et humoriste que peintre et parvient Ă  donner vie Ă  une rĂ©alitĂ© si diffĂ©rente de la nĂŽtre, dans un appartement et une vie qui n’ont rien de banal ou de commun. Ce quotidien aux allures de fĂȘte et d’éternel bonheur connaĂźt une fin digne d’une trĂšs courte nouvelle, avec une chute aux aspects tragiques soigneusement ficelĂ©e par l’auteur. Surpris·e, le·a lecteur·rice ne sait plus que croire du rĂ©cit heureux des premiĂšres pages Ă  la rĂ©alitĂ© crue, amĂšre et sans illusion des derniĂšres.


« Pour elle, le rĂ©el n’existait pas. J’avais rencontrĂ© une Don Quichotte en jupe et en bottes, qui chaque matin, les yeux Ă  peine ouverts et encore gonflĂ©s, sautait sur son canasson, frĂ©nĂ©tiquement lui tapait les flancs, pour partir au galop Ă  l’assaut de ses lointains moulins quotidiens. Elle avait rĂ©ussi Ă  donner un sens Ă  ma vie en la transformant en un bordel perpĂ©tuel. Sa trajectoire Ă©tait claire, elle avait mille directions, des millions d’horizons, mon rĂŽle consistait Ă  faire suivre l’intendance en cadence, Ă  lui donner les moyens de vivre ses dĂ©mences et de ne se prĂ©occuper de rien. »

(En attendant Bojangles, pp.55 et 56)


Le deuxiĂšme, Pactum Salis (janvier 2018), poursuit la lancĂ©e rĂ©vĂ©latrice de son premier roman. En Loire-Atlantique, une Ă©trange relation va se nouer entre Michel, arriviste immobilier en vacances et Jean, paludier reconverti aprĂšs une vie d’ivresse parisienne. Tout aussi loufoque que le premier, ce roman s’aventure davantage dans la psychĂ© des personnages et dans la relation qui se noue entre eux, tout en allouant de l’espace Ă  l’humour subtil et lĂ©ger qui fait le style d’Olivier Bourdeaut. Difficile de ne pas transposer la vie de l’auteur dans certains Ă©vĂšnements ou traits de caractĂšres mis en exergue dans le roman et de ne pas imaginer que cela lui confĂšre un surplus de rĂ©alisme et de justesse bien mĂ©ritĂ©. La fin, ici encore d’aspect tragique, n’en prĂȘte pas moins Ă  sourire. À la diffĂ©rence du prĂ©cĂ©dent, il s’agit d’un roman d’amitiĂ© qui cĂ©lĂšbre les marais salants, somptueuse architecture de l’Ouest français nĂ©e aux temps des Romains qui apparaĂźt comme le personnage principal et central du roman. Les chapitres intercalĂ©s qui ne respectent apparemment pas la chronologie de l’histoire et les nombreuses analepses** insĂ©rĂ©es au cƓur de l’intrigue concourent Ă  la sensation d’irrĂ©el confĂ©rĂ©e par cet environnement au sein duquel celle-ci prend place ainsi que par les nombreux rebondissements et piĂšges tendus au lecteur·rice. Il est toujours ardu de croire au dĂ©but, Ă  la fin, ou mĂȘme d’avoir tout saisi aprĂšs avoir rabattu la quatriĂšme de couverture.


« Cette scĂšne faisait partie des cadeaux que seuls l’étĂ©, saison opulente, peut dĂ©poser Ă  vos pieds, les autres faisaient preuve d’une mesquinerie lamentable dans ce domaine. La plage, pour le meilleur et pour le pire, Ă©tait une galerie d’art Ă  ciel ouvert. Les amateurs d’art conventionnel se satisfaisaient d’un deux-piĂšces en vichy rose. Les plus pointus trouvaient dans un string en laine rouge, entourĂ© de peau ridĂ©e et tannĂ©e, les satisfactions insondables de l’art contemporain. Toutes les crĂ©atures de Dieu, jeunes ou vieilles, minces ou enrobĂ©es, complexĂ©es ou libĂ©rĂ©es, en couple ou cĂ©libataires, oublient ici les pudeurs de l’hiver sous prĂ©texte d’une Ă©tendue jaune, d’un horizon bleu et d’un vague bruit de roulis. »

(Pactum Salis, p.122)


LĂ  oĂč le premier roman met en scĂšne une femme flamboyante et l’histoire d’un amour complet, total et en apparence serein, le second lui rĂ©pond directement par la mise en scĂšne d’une amitiĂ© faite de rivalitĂ©s entre deux personnages masculins pour lesquels l’expression de leur entiĂšre virilitĂ© semble l’emporter sur le rĂ©el. Les deux romans travaillent l’interprĂ©tation du rĂ©el et sa mise en perspective avec l’intĂ©rioritĂ© psychologique et Ă©motionnelle de celles et ceux qui le peuplent. Les personnages apparaissent au grĂ© de leurs errances comme des silhouettes de papier que le romancier dessine et rĂ©invente Ă  chaque page. Des figures dĂ©gingandĂ©es que le vent de la vie soulĂšve et fait retomber avec lourdeur, quitte Ă  les laisser dĂ©membrĂ©es sur le bord de la route ou sur un lit d’hĂŽpital. Le succĂšs d’Olivier Bourdeaut repose sur cette incroyable balance entre extravagance, tragĂ©die, burlesque et Ă©motion qu’il manie Ă  la perfection. Ces deux ouvrages constituent une lecture estivale parfaite, sur une chaise longue et sous le soleil (159 pages pour le premier, 253 pour le second). Rendez-vous sur notre page Facebook ou notre compte Instagram mercredi pour dĂ©couvrir son troisiĂšme roman, Florida, paru en dĂ©but d’annĂ©e 2021 !


*Factotum : personne qui s’occupe un peu de tout, et en particulier des travaux mineurs. (DĂ©finition du Larousse)


**Analepses : Figure de style littĂ©raire induisant un retour en arriĂšre, le rĂ©cit d’une action appartenant au passĂ© (Ă©quivalent du flash-back cinĂ©matographique).


Sources

DUPUIS JĂ©rĂŽme, « Olivier Bourdeaut, ou la revanche d’un « loser » magnifique », L’Express, 28 mars 2016.

GARCIN JérÎme, « Retenez bien ce nom : Olivier Bourdeaut », Le Nouvel Obs, 08 janvier 2016.

ÉDITIONS FINITUDE, « Olivier Bourdeaut : l’auteur ».

LUYSSEN Johanna, « Olivier Bourdeaut, bijou fantaisie », Libération, 05 février 2016.


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