[Spoilers] Fais pas ci, fais pas ça : désopilants clichés de l’éducation à la française
- Marie-Océane Decriem
- 12 déc. 2020
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 avr. 2021
Série télévisée précisément française lancée en 2007 par Anne Giafferi et Thierry Bizot, Fais pas ci, fais pas ça nous propose de suivre la vie de deux familles antinomiques, les Bouley et les Lepic, durant 68 épisodes et 9 saisons. Deux familles voisines qui sont un peu « les Montaigu et Capulet de Sèvres », comme le fait brillamment remarquer Renaud Lepic à un instant crucial de leur histoire commune (saison 6), puisqu’elles sont caricaturales de deux modes de penser, faire et vivre profondément différents : les Lepic sont traditionnels, catholiques, conservateurs autant que les Bouley représentent une gauche bien-pensante, bourgeoise-bohème. En dépit de leurs maintes oppositions, les deux familles se lient peu ou prou d’amitié et vont affronter ensemble de nombreux rebondissements au fil des saisons.
Portrait des personnages (épisode 1, saison 1)
Valérie Bouley (Isabelle Gélinas), 38 ans, est chargée de projet chez Elephant Com Story, une entreprise de communication. Son mari, Denis (Bruno Salomone), a 37 ans et alterne tout au long de la série entre des périodes de « restructuration professionnelle » et des petites activités indépendantes telles que chanteur dans une maison de retraite. Tiphaine, 16 ans, est issue du premier mariage de Valérie avec Thierry. Ensemble, Valérie et Denis ont deux enfants : Eliott, 8 ans et Salomé qui naît au cours de la saison 3.

Renaud Lepic (Guillaume de Tonquédec), 43 ans, est le n°3 de l’entreprise de robinets Binet auquel il a consacré sa vie. Fabienne (Valérie Bonneton), son épouse, 39 ans, est mère au foyer et s’occupe de leurs quatre enfants : Christophe, 17 ans, Soline, 15 ans, Charlotte, 11 ans et Lucas, 2 ans.
La première saison, dont les mauvaises audiences ont failli coûter la vie à notre série, est construite sur le modèle d’une émission de téléréalité dans laquelle les parents « vendent » leur modèle d’éducation aux téléspectateurs et joue de l’opposition entre un modèle se voulant rigoriste et un modèle plus laxiste. Des scènes cocasses de la vie quotidienne alternent avec des interviews face caméra. Ce modèle daté s’estompe dès la saison 2 pour suivre une trajectoire plus classique avec des rebondissements à gogo et des intrications toujours plus nombreuses entre les deux familles et les différents personnages. Chacun·e des enfants va développer une personnalité spécifique qui pose de nouveaux défis aux couples parentaux : l’échec scolaire de Christophe, le désir de maternité de Tiphaine, l’homosexualité de Charlotte, le débat interne conformisme-anticonformisme vécu par Soline, etc. De nombreux personnages secondaires incarnés par des célébrités apparaissent régulièrement et prennent une importance à la mesure de leur potentiel comique. Ainsi, Frédérique Bel campe la voisine séduisante et un peu bêtasse avec lequel Renaud est suspecté d’avoir une aventure lorsque sa femme part au Québec (saison 5). Isabelle Nanty devient l’indéfinissable Christiane Potin, mythomane professionnelle tour-à-tour nounou, nonne, voyante, amoureuse indécrottable de Renaud. André Manoukian incarne le père absent de Tiphaine, coureur de jupons et producteur d’artistes très (trop) avant-gardistes.
À travers le schéma très simple de deux familles qui s’opposent, Fais pas ci, fais pas ça a su nous proposer durant 10 ans un portrait à la fois touchant et engagé. En effet, la série laisse souvent la part belle à l’émotion et aux liens – familiaux, amicaux ou amoureux – dans toute leur entièreté. Le jeu d’acteur·rice·s particulièrement juste rend hommage à tous ces instants fragiles où le cœur ose se livrer à celles et ceux qu’on a de plus cher. Mais là où la série se révèle, c’est en présentant un ensemble de situations et de problématiques qui se posent à la vie d’une majorité de familles : la naissance d’un nouvel enfant, l’infidélité, la jalousie, la perte du désir, les mauvaises fréquentations, l’homosexualité, la volonté de briser les codes, le chômage, la maternité, la ménopause, le divorce, les vacances ratées, la situation professionnelle alternant entre hauts et bas et surtout les voisins auxquels on se compare sans cesse. Finalement, on aurait presque envie que les Lepic ou les Bouley soient ces voisins-là et qu’il suffise de se pencher par la fenêtre pour les apercevoir se battre à coup de sacs poubelles dans la rue. Mais en étant honnête, on connaît tou·te·s des Lepic ou des Bouley, voire un savant composé des deux. Attention, cette série risque de vous questionner. Votre famille est-elle de droite ou de gauche ? Pas sûr que tout le monde soit d’accord…
L’atout de cette série repose définitivement sur la maîtrise de l’humour et sur son caractère familial. À l’heure où les écrans se multiplient entre les divers membres d’une même famille, Fais pas ci, fais pas ça est peut-être une réponse, douce, enjouée et motivante pour réfléchir sur cet ouvrage formidable que les êtres vivants constituent : des familles liées par l’amour. Quelques entretiens dans la presse avec les comédien·ne·s avaient laissé sous-entendre un retour en 2020 pour un épisode de 90 minutes spécial Noël, à l’anglo-saxonne. C’est désormais officiel, l’épisode «Y aura-t-il Noël à Noël? » débarque sur France 2 vendredi 18 décembre. L’occasion de se replonger dans l’intégralité de cette série riche en émotions, haute en couleurs et de s’installer de nouveau dans le canapé, avec sa propre famille qui elle aussi a grandi depuis, pour retrouver un peu de cette douce nostalgie des premiers jours de vacances scolaires.
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