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[Spoilers] La Casa de Papel ou une constante rébellion

  • Arielle Laporte
  • 24 avr. 2021
  • 4 min de lecture

Série espagnole réalisée par Álex Pina d’abord diffusée sur la chaîne Atena 3 avant d’être proposée sur la plateforme du géant Netflix, la Casa de Papel a été en 2018 la série la plus regardée sur la plateforme de streamingaméricaine1. Malgré quelques incohérences perceptibles autant dans les actions que dans les intrigues relationnelles, la « Maison de Papier » profite de multiples fenêtres à twists tout en laissant la porte ouverte à une remise en question autant des valeurs morales que sociétales.

Le scénario s’appuie sur un braquage – d’abord à la Fabrique de la monnaie d’Espagne puis à la Banque nationale de Madrid – orchestré par l’introverti mais brillant Professeur, aidé par ses acolytes aux personnalités diverses identifiés par un nom de ville. Des braqueurs dites-vous ? Des brutes sans cœur et irréfléchis ? Certainement pas. C’est bien des questionnements d’abord sur les relations humaines qui sont donnés à voir, avant même d’observer une rébellion contre le système.

De gauche à droite : Nairobi, Stockholm, Palerme, Denver, Helsinki, le Professeur, Lisbonne, Bogota, Marseille, Rio & Tokyo.

L’humanité et ses loyautés en question


L’auteure Delphine de Vigan, dans son roman Les Loyautés (2018, Livre de Poche), évoque ces « liens invisibles qui nous attachent aux autres [...] », ces « valeurs au nom desquelles nous nous tenons droits, les fondements qui nous permettent de résister [...] ». Certaines de cesloyautés auxquelles nous nous attachons peuvent être questionnées dans la Casa de Papel, notamment notre vision de la trahison.

A travers les diverses histoires d’amour que l’on peut voir naître dans la série, celle qui naît entre l’inspectrice Raquel Murillo – future Lisbonne – et Sergio Marquina – le Professeur – questionne ce « manquement à [une] parole donnée, à un engagement » (définition Larousse). En effet, Raquel finit par découvrir que l’homme qu’elle côtoie n’est autre que le cerveau du braquage sur lequel elle enquête ; ce qui l’anéantit d’abord, avant de finalement trahir à son tour ses coéquipiers des forces de l’ordre en ne leur donnant pas l’emplacement de la planque. Berlin (Andrés Fonollosa), dans un flash-back remontant à son mariage dans la saison 4, est accusé par son frère, Sergio, de trahir sa compagne à qui il n’a pas avoué qu’il ne lui reste que quelques années à vivre. Ce à quoi il rétorque :

« La trahison est inhérente à l'amour. […] [Elle] ne dépend pas de l’intensité de ton amour, mais de la complexité de ton dilemme »

Cette remarque du personnage rompt avec l’image d’un amour shakespearien ; passionnel, indestructible et au-dessus de tous les obstacles, que le cinéma et la littérature diffusent à foison. Néanmoins, l’attitude de Lisbonne, qui choisit finalement l’amour, ne contredit pas la remarque de Berlin : elle nous invite à nous demander, par son choix, si la loi est bel et bien juste.

Dans cet optique, la trahison peut incarner ce manichéisme quant à l'identité des

« bons » et des « méchants » – traditionnellement la police incarnant le bien, et les criminels de tout ordre le mal. Dans la Casa de Papel, il s'agit avant tout de savoir ce qui est juste, et ce qui ne l'est pas.


Resistencia


La combinaison rouge, omniprésente dans la série, non seulement offre une protection à l’équipe de braqueurs en étant partagée à la fois par eux-mêmes et les otages, mais elle peut aussi être affublée d’une symbolique : les braqueurs et les otages subissent l’injustice, une position subalterne vis-à-vis des puissants. Les braqueurs enfreignent la loi et risquent de perdre leur liberté ; les otages eux, alors qu’ils travaillaient, subissent un obstacle à leur liberté voire à leur vie, qui les contraint à nouveau de travailler (pour la construction du tunnel de sortie et la production des billets). Ils sont rassemblés dans une même lutte pour la survie et la liberté, sans toutefois, évidemment, être égaux. Le port d’un masque au visage du peintre Salvador Dalí, outre le symbole national pour l’Espagne qu’il représente, fait aussi écho à l’imagination excentrique et sans limite du peintre comme du Professeur et de la société, dans laquelle règne l’adage « l’argent va à l’argent ». On remarque un manque de sens et une inconscience de la valeur de l’argent, lorsque sont évoqués des millions et des milliards par des acteurs puissants et aisés ; non-sens souligné dans la série, notamment lorsque les braqueurs impriment des billets de 50€, 100€ et 200€ pour atteindre presque le milliard. Le titre même de la série marque cet aveuglement dans la valeur des chiffres : les billets ne sont que du papier, imprimés par une « maison de papier ».


Les braqueurs apparaissent ainsi comme un groupe de résistants, entonnant en chœur Bella Ciao, une chanson née au XXème s. et devenue un hymne contre le fascisme durant la Seconde Guerre Mondiale. Ils font figure d’anti-héros face à un monde qu’ils considèrent injuste, tout en remettant en question nos croyances et les valeurs que l’on pensait acquises.


Le Professeur à Lisbonne, épisode 8 de la saison 2 :

« On t’a appris à tout voir en bien et en mal. Mais ce que nous faisons te semble correct quand d’autres le font. En 2011, la Banque centrale européenne a sortir 171 milliards d’euros de nulle part. […] 185 milliards en 2012. 145 milliards d’euros en 2013. Tu sais où est allée ce fric ? Aux banques. Directement de l’imprimerie aux plus riches. Quelqu’un a-t-il accusé la Banque centrale européenne de vol ? Ils ont parlé d’« injonctions de liquidités ». C’est ce que je fais, mais pas pour les banques. Je la fais dans l’économie réelle, avec ce groupe de malheureux que nous sommes. Pour échapper à tout ça. »

1 « La Casa de Papel explose tous les records sur Netflix », 04/06/2018, Hitek.fr, consulté en avril 2020. Lien : https://hitek.fr/actualite/la-casa-de-papel-audience-netflix-record_16303


Sources :

Pierre SÉRISIER, « La Casa de Papel – Allégorie de la rébellion », 13/03/2018, consulté en avril 2020. Lien : https://www.lemonde.fr/blog/seriestv/2018/03/13/la-casa-de-papel-allegorie-de-la-rebellion/

« ¨Bella Ciao¨, l’histoire de cette chanson à succès », 07/06/2018, FranceInfo, consulté en avril 2020. Lien : https://www.francetvinfo.fr/monde/italie/bella-ciao-l-histoire-de-cette-chanson-a-succes_2790301.html

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